Le bail commercial

Le bail commercial
Le statut des baux commerciaux résulte d'un décret du 30 septembre 1953. On parle de statut car plusieurs dispositions sont d'ordre public et ne peuvent être contredites par les conventions des parties. Les dispositions légales fixent les conditions pour bénéficier des avantages de ce statut.
Le caractère impératif du statut ne concerne que quelques règles, que les articles L. 145-15, L. 145-16 et L. 145-45 du code de commerce délimitent. En dehors d'elles, la liberté contractuelle permet de rédiger des clauses qui avantagent l'une ou l'autre des parties. Il convient donc d'y porter une grande attention.
La durée du bail
Le bail commercial doit être conclu pour une durée minimale de neuf ans. C'est l'article L. 145-4 du code de commerce qui l'impose. Le locataire et le propriétaire peuvent prévoir une durée supérieure, mais il leur est interdit de stipuler une durée inférieure à neuf ans. Toutefois, une exception est admise pour les baux dits de courte durée. Dans ce cas, le bail ne peut être conclu pour plus de deux ans. Mais, si le bail de courte durée est renouvelé ou si le locataire reste dans les lieux au-delà de l'échéance de deux ans, le contrat devient automatiquement un bail commercial bénéficiant du statut protecteur de 1953.
La portée du bail
Pour bénéficier du statut des baux commerciaux, il faut un local ou un immeuble, c'est-à-dire un lieu clos et couvert. Le statut ne s'applique donc pas à un emplacement publicitaire sur un mur ou un toit, ni en principe à un terrain sans construction. La jurisprudence est incertaine sur les emplacements dits inclus. Ainsi les juges ont considéré que le statut des baux commerciaux ne pouvait pas s'appliquer à un stand dans une grande surface (Cour de cassation, 24 février 1976). Notez que le statut des baux commerciaux peut être étendu à des locaux accessoires qui sont nécessaires à l'exploitation d'un fonds de commerce, comme une remise ou un entrepôt. Il en va de même pour les locaux à usage d'habitation
L'exigence d'un fond exploité : le statut protecteur des baux commerciaux ne s'applique qu'au propriétaire d'un fonds commercial, industriel ou artisanal. Ce fonds doit en outre être exploité. Rappelons ce qu'il faut entendre par " fonds de commerce ". Les deux principaux critères exigés par les juges sont la clientèle et une autonomie de gestion. - l'immatriculation obligatoire : le locataire peut bénéficier de la protection du bail commercial à condition d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS) s'il est commerçant ou industriel, ou au registre des métiers s'il est artisan. Si c'est une société qui exploite le fonds, c'est elle qui doit être immatriculée. Il faut par ailleurs que l'activité exploitée dans le fonds soit la même que l'activité pour laquelle le locataire est immatriculé. La condition d'immatriculation n'est pas exigée dès la signature du bail, mais elle est indispensable pour bénéficier de la protection du statut des baux commerciaux, notamment du droit au renouvellement du bail. Le locataire devra par conséquent être immatriculé à la date du renouvellement.
La preuve du bail et le document écrit
Il n'y aucune obligation de rédiger un bail écrit, mais c'est une nécessité pratique pour prouver l'existence et le contenu des clauses du bail. Le locataire a par exemple intérêt à prouver qu'il bénéficie d'un bail commercial lorsque l'immeuble est vendu. Dans ce cas, le nouveau propriétaire aura les mêmes droits et les mêmes obligations que l'ancien bailleur. En revanche, en l'absence de preuve, le nouveau propriétaire peut expulser les locataires, sans leur verser de dommages et intérêts. C'est pourquoi il est indispensable de justifier d'un bail écrit et, pour éviter les actes antidatés, la loi exige que le bail ait " date certaine " (article 1743 du Code civil). Pour cela, le bail peut être rédigé par un notaire sous la forme d'un acte authentique. Notez que le fisc impose un bail notarié pour les débits de boissons. Il est également obligatoire pour les baux de plus de douze ans car il faut alors une publication au bureau des hypothèques. Mais il est aussi possible de rédiger le bail sous seing privé, c'est-à-dire que le contrat est rédigé et signé par le locataire et son propriétaire. Chacun dispose d'un exemplaire signé du contrat. Il est alors utile d'enregistrer le document à la recette des impôts, ce qui lui donne date certaine.
Le loyer
Le loyer d'origine est librement fixé par les parties. En pratique, c'est le propriétaire qui fixe son prix. Ce prix peut être plus élevé que la valeur locative des lieux, parce que le bailleur estime que l'immeuble ou l'emplacement contribuent à l'image de marque du locataire. C'est ce que l'on appelle l'« effet d'emplacement ». Il peut concourir à une considérable augmentation du loyer, en raison de la position géographique du fonds.
Les loyers d'avance et le dépôt de garantie
Il est fréquent que le propriétaire demande des loyers d'avance. Lorsque les sommes versées sont considérées comme de simples loyers d'avance, ils s'imputent sur les dernières échéances du bail. Mais le propriétaire peut les demander à titre de dépôt de garantie, notamment pour s'assurer que le locataire remplira ses obligations. Dans ce cas, la somme versée au début du bail devra être restituée à la sortie. Le bail peut prévoir que le dépôt de garantie sera augmenté ou diminué à chaque révision du loyer. Si, par exemple, le propriétaire exige trois mois de loyer d'avance, la révision du loyer en cours de bail entraînera automatiquement l'ajustement du dépôt de garantie pour qu'il soit égal à trois mois du nouveau loyer (article L. 145-40 du Code de commerce).
- Indice des loyers commerciaux : l'article 47 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 instaure l'indice des loyers commerciaux ( ILC). Le décret n°2008-1139 du 4 novembre 2008 définit les activités concernées ainsi que les modalités de calcul et de publication de cet indice.
Le pas-de-porte :
Le pas-de-porte consiste en une somme d'argent versée au propriétaire avant l'entrée dans les lieux. C'est un usage fréquent. Mais, juridiquement, il est difficile d'en déterminer les contours. Le propriétaire peut considérer le pas-de-porte comme une compensation financière à la perte de valeur de l'immeuble, en raison du droit au renouvellement du locataire et de l'indemnité d'éviction qu'il devra verser pour récupérer le local. Dans ce cas, la somme demandée reste acquise au propriétaire à la fin du bail. Mais le propriétaire peut aussi considérer que le pas-de-porte est un supplément du loyer, il sera alors intégré lors des révisions de loyer. C'est le cas du « bail à l'américaine », qui intègre le pas-de-porte dans le loyer et permet un paiement fractionné sur la durée du bail. Mais, à la place du pas-de-porte, le locataire peut payer un « droit au bail ». C'est le cas lorsqu'il reprend un bail existant. Le locataire sortant lui fait payer un droit au bail au moment de la cession. Pour le précédent locataire, il s'agit de monnayer sa propriété commerciale, tout particulièrement le fait que son loyer, plafonné par la loi, est inférieur aux prix du marché.
Les engagements réciproques
Les obligations du bailleur
Les obligations du propriétaire ne sont pas définies dans le décret de 1953. Il faut se référer au Code civil et au droit commun des locations. En principe, le propriétaire qui signe le bail a l'obligation de délivrer les locaux au jour convenu et dans un bon état d'entretien. Il doit prendre en charge les grosses réparations (toiture, canalisations) et garantir les vices cachés de la chose louée. Ces obligations ne sont pas impératives et les parties décident librement quelles obligations incombent à l'une ou à l'autre. Le contrat peut prévoir que le locataire prendra les lieux en l'état, ce qui permet au propriétaire de délivrer un local où des travaux sont nécessaires. Il est possible d'insérer une clause mettant les grosses réparations à la charge du locataire ou stipulant que le propriétaire ne sera pas tenu des vices cachés.
Les obligations du locataire
Ces obligations consistent à payer le loyer et les charges. Il est important d'indiquer dans le bail quelles charges et réparations lui incomberont, par exemple les taxes. Le locataire doit respecter la destination des lieux, à moins d'obtenir une déspécialisation. A défaut d'autorisation du bailleur, le locataire encourt la résiliation judiciaire de son bail.
Les clauses expresses
Lorsque le bail contient une clause d'exclusivité commerciale, le propriétaire des murs s'engage à ne pas louer à un autre locataire exerçant la même activité. La clause de non-concurrence constitue l'engagement du propriétaire lui-même de ne pas exercer une activité concurrente à celle de son locataire. Cette clause doit être limitée dans le temps et dans l'espace. Lors de la conclusion du bail, les parties négocient librement le contenu des clauses et leur incidence sur le montant du loyer. Mais il est conseillé de mentionner précisément les activités couvertes par l'exclusivité. En l'absence de cette clause dans le bail, le locataire n'est pas complètement démuni puisqu'il peut toujours agir en justice en invoquant la concurrence déloyale. Il peut alors demander des dommages et intérêts au propriétaire.